
( APA / BARBARA GINDL )
Jusqu'en 1965, une femme mariée n'avait pas de droit de regard sur la gestion de ses biens et son mari pouvait lui interdire de travailler.
Un autre siècle qui n'est pas si lointain. Il y a 60 ans, les femmes mariées ont obtenu de pouvoir travailler ou ouvrir un compte en banque sans devoir demander l'autorisation de son mari. La loi du 13 juillet 1965 a ainsi garanti de nouveaux droits aux épouses, un jalon essentiel sur le long chemin des Françaises vers l'émancipation économique.
Quelle était la situation des femmes ?
Du point de vue juridique, au début des années 1960, les femmes mariées étaient encore "sous une forme de tutelle à l'égard de leur époux, notamment pour les questions patrimoniales", explique à l'AFP Vincent Egéa, professeur de droit civil à Aix-Marseille Université. Une situation instaurée par le code civil de 1804, dénoncée par la suite par les associations féministes. Une femme mariée n'avait pas de droit de regard sur la gestion de ses biens, ni sur ceux de son couple et son mari pouvait lui interdire de travailler.
À cette époque, les femmes étaient toutefois de plus en plus nombreuses à avoir une activité, dans un contexte de besoin de main d’œuvre. On estime que 40% d'entre elles travaillaient. Elles étaient également en charge des dépenses quotidienne du ménage. "La majeure partie des femmes recevaient une somme de leur mari pour gérer le foyer", précise à l'AFP l'historienne Michelle Perrot, spécialiste de l'histoire des femmes.
Que change la loi de 1965 ?
La loi du 13 juillet 1965 "a rendu pleinement effective la capacité juridique de la femme mariée", explique Vincent Egéa. Elle peut désormais ouvrir un compte bancaire, signer des chèques, gérer ses biens personnels et travailler sans restriction. "C'est une très bonne chose, les femmes sont capables de faire autant que les hommes", commente auprès de l'AFP Liliane, parisienne de 88 ans, qui se souvient encore du jour où sa banque a refusé de la laisser retirer de l'argent de son compte joint à la place de son mari, affecté par un problème d'audition. "J'étais hors de moi mais l'employée ne voulait rien savoir, ma signature ne comptait pas. Il a fallu que mon mari se dérange", retrace-t-elle.
Que s'est-il passé ensuite ?
Cette loi du 13 juillet 1965 correspond à une "marche vers davantage d'égalité mais il en restait encore beaucoup à franchir", indique à l'AFP Sylvie Chaperon, professeure d'histoire contemporaine à l'Université de Toulouse-Jean Jaurès. La loi restait "inégalitaire", "le mari gérait encore seul les biens communs du couple" et il demeurait le "chef de famille", pointe-t-elle. D'autres lois ont contribué à rétablir l'équilibre entre les membres du couple. La notion de "chef de famille" a été supprimée en 1970 et la cogestion des biens du couple marié devient la norme à partir de 1986, à la suite de la transposition d'une directive européenne.
Plus récemment, la loi Rixain de 2021, a imposé de verser le salaire sur un compte dont le salarié est le détenteur ou co-détenteur. Une manière de s'assurer que les femmes aient accès à leurs revenus et de lutter contre les violences économiques, un phénomène encore courant selon les associations spécialisées.
Où est-on aujourd'hui ?
"Malgré tous les droits acquis, l'émancipation économique des femmes reste inachevée", déplore auprès de l'AFP Floriane Volt, directrice des affaires publiques de la Fondation des femmes. "De nombreux mécanismes les maintiennent en situation de dépendance". Le taux d'activité des femmes (71,5% en 2024, selon l'Insee) s'est rapproché de celui des hommes (77,5%). Mais elles touchent des salaires inférieurs : l'écart moyen était de 22,2% dans le privé en 2023. Ces salaires plus faibles conduisent plus souvent les femmes à arrêter de travailler ou à réduire leur activité à l'arrivée d'un enfant, renforçant leur dépendance à leur conjoint.
Les femmes sont aussi pénalisées par le "système de conjugalisation des aides sociales", soit la prise en compte des revenus de l'ensemble du foyer pour certaines prestations comme les aides au logement ou la prime d'activité, dénonce Floriane Volt. Elle appelle notamment à "une modernisation du système social et fiscal".
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